jeudi 19 mars 2009

dossier SP : 15 ANS DE POLITIQUES DISCRIMINATOIRES


Depuis la fin de son industrialisation (deuxième moitié du XIXème siècle), la France est un pays d'immigration. La première politique centrale d'immigration date du 2 novembre 1945 (il y eut cependant auparavant des mesures ponctuelles).
Cette ordonnance décide notamment de la création de l’ONI (Office National d’Immigration) qui donne à l’Etat le monopole de l’introduction de la main d’œuvre étrangère dans le pays. Trois cartes de séjour sont également instaurées (1, 3 et 10 ans). L’ordonnance du 2 novembre 1945 est le texte de droit commun, la philosophie du texte de 1945 porte la volonté d’organiser les flux des travailleurs et des membres de leurs familles, de fixer les conditions de leur séjour et d’organiser l’éloignement de ceux qui ne sont plus acceptés sur le territoire.
Depuis 1945 deux ères majeures peuvent être considérées. Pendant les trente glorieuses l'immigration économique est encouragée conséquence du manque de main d'œuvre notamment d'Ouvriers Spécialisés dans certains secteurs. Au point qu'on peut littéralement parler ''d'importation'' de main d'œuvre, venue, et c'est bien sur un hasard de régions rurales sans grande tradition syndicale...
Le ton se durcit en 1972, avec les circulaires Marcellin et Fontanet qui corrèlent l’autorisation de séjourner en France à l'exercice d’un emploi: la perte de l’emploi impliquant la perte de la carte de séjour.
Le véritable tournant s'opère en 1974 avec la fin des trente glorieuses, l'arrivée massive sur le marché de l'emploi des baby-boomers, le choc pétrolier... Ce tournant est incarné par Giscard élu la même année. Une véritable politique de contrôle des flux migratoires se met en place sous sa législature. Une vaste batterie juridique commande l’arrêt de toute nouvelle immigration, par un contrôle rigoureux des entrées et des séjours. Dès cette date seuls les étudiants, stagiaires, les personnes dotées d’une qualification professionnelle exceptionnelle ou les membres de la famille d’un étranger régulièrement installé peuvent espérer s'installer légalement en France.
On passe, dans le cadre de l'immigration légale, d'une immigration de travailleur à une immigration de regroupement familial. Tout ceux qui espèrent trouver l'herbe plus verte en France ne peuvent dès lors que tenter la voie clandestine.
En 1980, la loi dite ''Bonnet'', rend en réaction l’entrée ou le séjour irrégulier motifs d’expulsion au même titre que la menace pour l’ordre public. Les sans-papiers, qu'ils soient clandestins ou en séjours irréguliers (cartes de séjour non renouvelées) sont susceptibles d'être reconduits à la frontière... La chasse est ouverte!

A partir de 1981 et avec la découverte en France de l'alternance politique, l'ordonnance de 1945 va connaître divers aménagements concernant l'accès du territoire, les modalités d'obtention des titres de séjour et cartes de résident (ex: certificat d'hébergement), la création de visas particuliers (étudiants), précisant les conditions du renouvellement de ces titres ou de leur perte, des catégories protégées des expulsions, etc.
Les politiques de gestion de l'immigration ont connu plusieurs flux et reflux en fonction du pouvoir politique. Néanmoins, si le premier mandat Mitterrandien à été une période de tolérance envers les immigrés et d'avancées légales, à la suite de la première cohabitation, les gouvernements socialistes successifs jusqu'en 2002 ont rejoint progressivement les positions de la droite sur le sujet.

Ainsi le 7 janvier 1990, le premier ministre Michel Rocard, déclare: «nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde ".
Cette dernière fait écho aux déclarations du président Mitterrand concernant l'immigration en décembre, selon qui ''le seuil de tolérance a été atteint dans les années 1970'' et qui veut concilier fermeté vis à vis des immigrés en situation irrégulière et intégration des réguliers.
Les reconduites à la frontière enclenchées sous le règne au ministère de l'intérieur de Charlie Pastaga (1986/1988) continuent.

Le 1er janvier 1992, la loi renforce la lutte contre le travail clandestin et contre l’organisation de l’entrée et du séjour irrégulier d’étrangers en France elle étend les procédures de reconduite à la frontière à l'exception des irréguliers qui ont des "attaches familiales particulièrement étroites" avec la France. En juillet de la même année, sont créées les "zones d'attente" (dans les ports et aéroports) où les étrangers non autorisés à pénétrer en France peuvent être maintenus pendant 20 jours maximum, les étrangers non admis, le temps de ''vérifier'' leur demande.

Avec la seconde cohabitation (1993/1995) les lois se durcissent encore: La loi du 24 août 1993 limite les conditions de délivrance d’un titre de séjour, notamment d’un titre de séjour de plein droit, elle prévoit le refus et le retrait de la carte de séjour aux étrangers (et à leurs conjoints) polygames et le retrait du titre de séjour délivré à un réfugié dans certains cas. Elle limite les compétences de la commission de séjour qui n’émet plus qu’un avis consultatif qui ne contraint en rien les autorités délivrant les titres de séjour, ajoute de nouvelles restrictions au regroupement familial et renforce les mesures d’éloignement du territoire.
Après une période de durcissement radical face à l'immigration, l'idée, acceptée en Allemagne depuis les années 1990, d'une immigration économique choisie (haute qualification, ou ouvriers dans les secteurs en pénurie de main d'œuvre) perce en France. Sarkozy a multiplié en 2003, les déclarations dans ce sens, alors que le conseil économique et social la conseillait. Cette inflexion est traduite aujourd'hui par une politique de plus en plus répressive face à une immigration ''indésirable''.